Les théories scientifiques de l'hypnose

En commençant par Mesmer qui pensait qu’un fluide magnétique expliquait les effets qu’il observait, les théoriciens ont essayé d’expliquer les mécanismes sous tendant l’hypnose. Il est aujourd’hui admis qu’une bonne théorie de l’hypnose doit utiliser des concepts compatibles avec les modèles psychologiques de la conscience.

Les principales théories, historiques et actuelles, concernant l’hypnose sont présentées ici. Pour les modèles les plus récents, quelques connaissances de psychologie sont nécessaires. Un des modèles les plus récents en psychologie est celui des fonctions exécutives et utilisent le concept d’un système exécutif de contrôle (Norman et Shallice 1980/1986). Une description sommaire est faite ici.

La théorie du contrôle dissocié (DCT)

de Bowers (1992) / Woody & Bowers (1994)
Cette théorie utilise directement celle de Norman & Shallice sur le contrôle exécutif pour expliquer l’hypnose. Lorsque des personnes hautement susceptibles sont hypnotisées, cette théorie propose que le SAS est fonctionnellement dissocié du CS – ces deux niveaux cessent de collaborer. Le système de contrôle le plus élevé étant mis hors jeu, l’individu est plus sous la dépendance des processus automatiques du CS. Le contexte et les suggestions de l’hypnotiseur influence le CS et ceci détermine l’expérience du sujet hypnotisé.

Un certain nombre d’études ont été menées pour tester cette hypothèse et sont présentées dans l’article de Jamieson & Woody (2007). Une étude utilisant une version compliquée de la tâche de Stroop a montré que les sujets hautement hypnotisables faisaient plus d’erreurs que les autres sujets, résultat prédit par la DCT. Cependant, d’autres études ont montré une amélioration du contrôle attentionnel sous hypnose, ce qui est contredit par la DCT. Jamieson & Woody concluent donc qu’il n’y a pas un simple arrêt des fonctions frontales pendant l’hypnose.

Théorie cognitivo-sociale

de Lynn, Rhue & Weeks (1990) / Kirsch & Lynn (1997)
Cette théorie soutient que l'expérience de facilité ressentie sous hypnose provient du fait que les participants ont tendance à interpréter les suggestions hypnotiques comme ne nécessitant ni planification ni effort. La sensation de facilité ou d’absence d’effort proviendrait d’une erreur d’attribution. L’attribution de volonté dépend de la façon dont les règles ont été mises en place. L’implémentation des intentions est une représentation de la forme :
"Quand x arrive, je ferai y"
Alors que les attentes sont des représentations de la forme :
"Quand x arrive, y se produit".
Kirsch & Lynn (1997) propose que les sujets sous hypnose ont une attente qui fait qu’ils suivent les instructions de l’hypnotiseur et réalisent des comportements avec la sensation que tout se passe de façon involontaire. Une conséquence est que ces sujets attribuent leurs réponses à des causes externes. D’après cette théorie, le comportement est obtenu de la même façon que dans un état normal, seule change l’expérience subjective des sujets.
Un des facteurs importants à considérer lorsque l’on fait appel aux théories cognitivo-sociales est qu’elles n’envisagent pas que les sujets puissent feindre, ou ne pas vraiment ressentir une expérience hypnotique.

Théorie de néodissociation

de Hilgard 1979, 1986
Cette théorie propose que les phénomènes hypnotiques sont produits par une dissociation dans les systèmes de contrôle haut niveau (notez la similitude avec la DCT). Brièvement, l’induction hypnotique scinde le système de contrôle exécutif en deux. Une partie continue de fonctionner normalement, mais n’est pas capable de se représenter consciemment à cause d’une « barrière amnésique ». Les suggestions agissent sur la partie dissociée du système de contrôle exécutif et le sujet est conscient des résultats de la suggestion, mais pas du processus par laquelle elle est arrivée.


La théorie d’Hilgard a été inspirée par ces expériences sur le phénomène d’ "observateur caché" (hidden observer) où une part cachée de l’esprit du sujet qui ressentait l’analgésie induite sous hypnose pouvait être encouragée à rapporter la véritable expérience douloureuse. L’observateur caché reste un sujet controversé et est toujours l’objet de recherches. L’idée que l’observateur caché démontre la présence de systèmes exécutifs conscient et non-conscient sous hypnose est aussi controversée (Heap et al, 2004 ; Kirsch & Lynn, 1998).

La théorie neurophysiologique

de Crawford & Gruzelier (1992) / Gruzelier (1998)
Ces modèles proposent que les sujets hautement hypnotisables ont de meilleures fonctions cognitives et qu’ils peuvent déployer leur attention de différentes façons. Gruzelier (1998) présente un modèle caractérisé par des changements des certaines fonctions cérébrales. Comme les autres théories, Gruzelier met en avant que les changements induits par l’hypnose sur les systèmes attentionnels rendent les sujets plus susceptibles aux suggestions.
Le modèle est décrit en trois étapes, chacun ayant son patron d’activités cérébrales. Dans la première phase de l’induction, le sujet fait attention aux mots employés par l’hypnotiseur et l’activité est augmentée de façon prédominante dans les régions fronto-limbiques gauches. Dans la seconde étape, le sujet « laisse aller » son attention et donne le contrôle à l’hypnotiseur ce qui entraînerait une baisse de l’activité du lobe frontal gauche. La troisième et dernière étape voit une augmentation dans les systèmes temporaux postérieurs droits lorsque le sujet est engagé dans une imagerie passive. En épuisant leurs capacités attentionnelles frontales lors de l’induction, les sujets hautement hypnotisables se retrouvent frontalement diminués pendant l’état hypnotique (Dienes & Perner, 2007).
Les résultats d’études comportementales et neuropsychologiques soutiennent le modèle de Gruzelier et complètent d’autres modèles. Cependant, l’interprétation de la plupart des résultats soutenant ce modèle sont questionnés par les théoriciens sociocognitifs (Wagstaff, 2004). De plus, les prédictions d’augmentation des compétences exécutives chez les sujets hautement hypnotisables sont testables mais n’ont pas encore été montrées.

La théorie cognitive intégrative

de Brown & Oakley (2004) / Brown (1999) / Oakley (1999)
Brown & Oakley (2004)
ont intégré les idées de la DCT (les réponses suggérées sont facilitées par l’inhibition de l’attention) et la théorie cognitivo-sociale (l’ « involontarité » est une interprétation ou une attribution sur la cause du comportement).

La théorie du contrôle froid

de Dienes & Perner (2007)
Cette théorie récente fait une distinction entre le contrôle et la conscience dans les termes de la théorie de Rosenthal (2002). Selon Rosenthal, nous sommes conscients de nos états mentaux grâce à des pensées sur ces états. Une pensée sur un état mental est une pensée de second ordre (PSO), parce que c’est un état mental sur un état mental (je vois que ce chat est noir). Les pensées de troisième ordre sont aussi possibles, en devenant conscient d’avoir une PSO (je suis conscient de voir que ce chat est noir). La théorie du contrôle froid des états hypnotiques suggère qu’une réponse positive à une suggestion hypnotique peut être réalisée en formant une intention de réaliser une action ou une activité cognitive donnée, sans former de pensées d’ordre élevées qui accompagnent normalement la réflexion sur l’action réalisée.

La théorie de l’expérience dissociée

de Kihlstrom (1985)
Elle propose que les sujets hautement hypnotisables exécutent les réponses hypnotiques avec effort, mais que cet effort est dissocié ou bloqué de la conscience.

La théorie psychologique de l’ego

de Fromm (1979, 1992)
Basée sur l’idée de Shor selon laquelle la profondeur de la transe hypnotique est reliée au degré de perte de conscience du sujet entre la réalité et l’imaginaire, appelée « l’orientation de la réalité généralisée » qui est caractéristique d’un fonctionnement psychologique normal. Elle distingue entre des processus primaires (émotion, illogique, holistique, non-conscient) et des processus secondaires (analytiques, logiques, conscient). Alors que le fonctionnement adulte est principalement composé de processus secondaires, l’induction hypnotique produit un « lâcher prise » qui aboutit à ne pas réaliser ses processus secondaires.

Théorie du conditionnement et de l’inhibition


de Barrios (2001)
Cette théorie décrit une induction hypnotique comme la proposition d’un ensemble de suggestions qui va faire qu’une réponse positive à une première suggestion va augmenter la réponse du sujet à la suggestion suivante. Cette induction est placée dans un paradigme de conditionnement. L’induction hypnotique est expliquée par le conditionnement d’une inhibition qui augmente la réponse à la suggestion grâce à l’inhibition des stimuli et des pensées qui pourraient contredire la réponse suggérée.

Contrôle exécutif / contrôle cognitif

Une composante clé dans les théories modernes du fonctionnement cérébral est celle de système de contrôle exécutif. L’Homme planifie et réalise de nombreuses tâches complexes ; certaines peuvent être réalisées de façon automatique mais la plupart nécessitent un niveau de contrôle plus élevé (des processus comme la planification, le raisonnement abstrait, l’apprentissage de règles ou l’inhibition d’une action). Comme les ressources mentales sont limitées, un système doit les coordonner pour qu’elles soient utilisées de façon efficace.

Au début, l’idée d’un système exécutif est venue de l’observation de patients qui avaient eu des lésions du lobe frontal du cerveau. Ces patients avaient des performances normales à de nombreux tests de mémoire, de langage, d’intelligence mais étaient très atteints pour la réalisation de tâches quotidiennes comme planifier une après midi de shopping.

Un modèle a été développé par Norman et Shallice (1986) et il propose deux systèmes de contrôle interagissant : le contention scheduling (CS) et le système attentionnel superviseur (SAS).

Le système de contention scheduling est le plus bas dans la hiérarchie: il est là pour les choses bien apprises, les tâches habituelles qui sont réalisées de façon automatique ou non consciente. Des modules neuronaux indépendants, appelés "schémas", contrôlent ces actions. Le CS contrôle la sélection d’un schéma grâce à un processus décentralisé. Un schéma devient alors activé, et l’action ou l’opération cognitive correspondante est réalisée, lorsque son seuil d’activation est dépassé.

Le système attentionnel superviseur (SAS) se situe au dessus du CS. Le SAS n’est pas utilisé pour des tâches simples qui peuvent être réalisées de façon automatiques mais il est plutôt utilisé pour :

  1. Des tâches qui impliquent une planification ou une prise de décision
  2. Des tâches qui impliquent une correction d’erreur
  3. Des situations qui sont nouvelles ou dont la réponse n’est pas bien apprise
  4. Des situations dangereuses ou difficiles techniquement
  5. Des situations qui nécessitent d’aller contre une habitude ou une résistance à la tentation

Le SAS ne contrôle pas les actions directement, mais module plutôt le seuil d’activation des différents schémas- de cette façon il peut créer un biais en éloignant ou rapprochant certains de ces schémas. Shallice (1988) a suggéré que le sentiment de volonté était équivalent à cette modulation des niveaux d’activation de ces schémas.
Ici est représenté un diagramme simple du SAS et du CS et de leur façon d’interagir :

Controle executif

Comment le contrôle exécutif est relié à l’hypnose ?

Un objectif majeur pour les chercheurs en hypnose est de faire concorder les théories de l’hypnose avec les principales théories du fonctionnement psychologique humain. Hilgard fut un des premiers à discuter de l’hypnose en faisant référence aux systèmes de contrôle, et il pensait que "n’importe qu’elle théorie de l’hypnose doit être aussi une théorie de la psychologie de façon générale" (Hilgard, 1991). Les théories modernes discutent des capacités des personnes hypnotisées à changer et diviser leur attention : à ce titre, la compréhension des mécanismes qui font que l’hypnose et la suggestion affectent le fonctionnement du système de contrôle exécutif est fondamentale pour une appréhension complète de l’hypnose.

 

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© 2007-2019 Dr Matthew Whalley