L'hypnose, outil de recherche

La suggestion hypnotique peut être utilisée pour modéliser des conditions ou des comportements inhabituels afin de les étudier en détails. Utilisée comme outil de recherche, la suggestion hypnotique peut avoir un intérêt non négligeable pour les psychologues, les neuroscientifiques et les médecins. Cette page parcourt quelques exemples de cette utilisation.

L’étude des syndromes de conversion et l’hypnose

Un certain nombre de patients des cliniques de neurologie rapportent des symptômes tels qu’une cécité partielle, une surdité ou une paralysie en l’absence de causes physiques ou neurologiques. Ces symptômes « inexpliqués » d’un point de vue médical sont souvent labellisés comme des syndromes de conversion. Beaucoup d’auteurs ont noté des similitudes entre les syndromes de conversion et des phénomènes observés par des suggestions induites sous hypnose – les deux sont ressentis comme involontaires et réels. Les mêmes mécanismes cérébraux pourraient donc expliquer les deux phénomènes.

Peter Halligan et ses collaborateurs ont réalisé trois études qui utilisent l’hypnose pour investiguer les syndromes de conversion et plus particulièrement la paralysie du membre inférieur gauche. Lorsqu’un sujet essaye de bouger un membre, on observe une activité des régions prémotrices et motrices contralatérale au membre. Dans l’étude de Marshall (1997), lorsqu’un patient avec un syndrome de conversion essayait de bouger le membre paralysé, une activation du cortex prémoteur était observée (suggérant que les patients essayaient bien de bouger) mais pas dans le cortex moteur. Le cortex orbito-frontal droit et dans le cortex cingulaire antérieur droit étaient eux aussi activés et les auteurs ont interprété comme une inhibition inconsciente du mouvement.

Halligan et al. (2000) ont répliqué l’étude de Marshall, avec un sujet dont la jambe gauche avait été paralysée grâce à une suggestion hypnotique.

Les résultats de ces deux premières études ont été renforcés par une troisième (Ward et al, 2003) qui a été réalisée pour répondre aux critiques selon lesquelles les participants feignaient leur paralysie. Les activités cérébrales étaient enregistrées dans deux conditions : 1. les sujets essayaient de bouger la jambe paralysée par une suggestion hypnotique et 2. feignaient cette même paralysie à un neurologue. Les résultats montrent que les activations étaient différentes entre ces deux conditions et ont permis aux auteurs de conclure que l’hypnose n’est pas une simulation.

L’étude des émotions et l’hypnose

La relation entre la douleur et les émotions est un domaine important de recherche avec des implications cliniques majeures (Keefe et al, 2001). Les études sur la douleur induite en laboratoire ont souvent été critiquées sur la base que la douleur n’était pas aussi effrayante que dans les situations réelles. Pierre Rainville et al. (2005) ont réalisé une étude à l’université de Montréal en utilisant des suggestions hypnotiques pour produire des états émotionnels, et pour examiner les effets de ces états sur la perception de la douleur. Les états émotionnels étaient ceux qui sont connus pour être en lien avec la douleur clinique comme la tristesse, la peur et la colère. Ils ont trouvé que ces émotions augmentaient la perception de la douleur mais que les états positifs comme la satisfaction ou l’anticipation d’un soulagement ne réussissaient pas à soulager la douleur au dessus du niveau produit par la relaxation hypnotique. De plus, ils ont trouvés que les changements dans la sensation de désagrément de la douleur corrélaient avec l’intensité des émotions que les participants ressentaient (cf figure ci-dessous). Les auteurs notent qu’en produisant ces états émotionnels grâce à des suggestions données sous hypnose plutôt qu’en montrant des films émotionnels ou des images (« inducteurs secondaires ») ils ont évité des facteurs confondant associés à ces techniques comme la charge attentionnelle supplémentaire. Et en évitant les inducteurs secondaires de douleur comme les chocs électriques, ils ont évité l’induction d’autres sensations (e.g. surprise, humour) qui pourraient aussi être un facteur confondant.

En prenant un angle différent, Richard Bryant and colleagues ont conduit une série d’études pour investiguer l’utilisation de suggestions pour produire un émoussement émotionnel. Un émoussement émotionnel, un engourdissement émotionnel, ou une réduction des effets des émotions est un trait commun à un certain nombre de conditions cliniques comme les stress post traumatique et les psychoses, ce travail doit donc avoir d’importantes applications cliniques.

Dans un article de 2001, Bryant and Kourch ont rapporté une expérience dans laquelle ils montraient des visages neutres ou défigurés à des sujets hautement ou peu hypnotisables. Ils donnèrent des suggestions pour un engourdissement émotionnel et cela produisit une réduction de la détresse rapportée par les sujets ainsi que des réductions dans les expressions faciales, ces effets étant plus importants chez les sujets hautement hypnotisables.

Dans une étude de 2005, Bryant demanda à des sujets hautement et peu hypnotisables de scorer la valence de mots neutres. Chaque mot était précédé par la présentation subliminale d’une image soit neutre, soit désagréable. Les participants étaient testés dans une condition contrôle mais aussi à la suite d’une suggestion d’émoussement émotionnel. Les sujets peu hypnotisables dans les deux conditions et les sujets hautement hypnotisables dans la condition contrôle scoraient le mot plus positivement s’ils étaient amorcés avec une image subliminale négative. Cependant, lorsque les sujets hautement hypnotisables recevaient la suggestion d’émoussement émotionnel, le score des mots n’était pas modifié par le priming négatif. Ce résultat indique que les effets de l’émoussement émotionnel sont produits à un état pré conscient (i.e. les effets ayant lieu à un niveau ‘inconscient’ et ne sont pas dus à la demande expérimentale).

Dans une étude de 2006, Bryant et Kapur ont trouvé que la capacité à expérimenter un émoussement émotionnel est plus liée à la susceptibilité qu’aux effets de l’induction hypnotique (i.e. c’est la suggestion qui produit l’effet et non l’hypnose).

Un nombre de paradigmes intéressants ont émergés dans les études sur la suppression émotionnelle comme l’investigation du processus ironique (Wegner et al, 1993) ou les effets sur la mémoire de souvenirs émotionnels (Richard & Gross, 2000). Cette série d’études indique que l’investigation de la susceptibilité hypnotique et de la suggestion ont un rôle à jouer dans le domaine émergent des neurosciences des émotions.

Etudier les hallucinations auditives grâce à l’hypnose

Les hallucinations auditives, souvent sous formes de voix, sont un élément essentiel des psychoses. Il serait utile de connaitre les régions du cerveau impliquées dans la genèse de ces expériences, mais à cause de leur nature spontanée et imprédictible, elles représentent un phénomène difficile à étudier grâce aux techniques d’imagerie cérébrale (qui préfère des stimuli contrôlables et répétés). Pour s’affranchir du problème du contrôle, Szechtman et al. (1998) ont utilisé l’hypnose pour produire des hallucinations auditives qu’ils ont étudiées en TEP. Ils ont scanné des sujets hautement hypnotisables dans quatre conditions : ligne de base, écouter une voix enregistrée, imaginé le même enregistrement et halluciner le même enregistrement.

La figure ci-dessous montre les activités cérébrales dans une région du cortex cingulaire antérieur (CCA). Ces activités étaient plus importantes dans les conditions d’écoute et d’hallucination que dans les conditions de ligne de base et d’imagination. Comme dans les conditions écoute et hallucinations, les participants pensaient que le son venait de l’enregistrement, les auteurs ont interprétés que le CCA représente le fait que le son soit généré extérieurement ou non - il réagit pour marquer si une sensation est auto ou hétéro-générée.

Cette étude est une démonstration de l’utilité de l’hypnose dans la modélisation de symptômes. Des études de neuroimagerie des symptômes schizophrènes spontanés ont été tentées, mais ces techniques requièrent des mesures répétables et cela à donner des résultats contradictoires (Bar et al, 2002 ; Shergill et al, 2000 ; Silbersweig, 1995).

L’hypnose pour étudier la douleur fonctionnelle

La douleur ressentie en dehors de toute stimulation nociceptive ou changement pathologique est appelée fonctionnelle. Les exemples cliniques inclus les douleurs faciales atypiques ou certaines douleurs dorsales où la douleur persiste longtemps après que les blessures aient été guéries. Dans de nombreux cas, il est difficile d’exclure toute cause physique mais en l’absence d’autres explications ces douleurs sont alors nommées ‘imaginées’ ou ‘dans la tête’. Ces douleurs, réellement vécues mais en l’absence d’une cause physique identifiable, ont été le sujet de nombreuses études impliquant l’hypnose.

Whalley & Oakley (2003) ont récemment montrés que certains sujets hautement hypnotisables sont capables de ressentir une sensation de chaleur douloureuse en l’absence de stimulation nociceptive.

Derbyshire et al, (2004) ont réalisé une étude en IRM dans laquelle une douleur hallucinée grâce à l’hypnose (DH) était comparée avec une stimulation à 48,5C avec une sonde thermique (DP). Dans une dernière condition, les participants devaient imaginer une sensation douloureuse (DI). La douleur imaginée ne donnait pas les mêmes activations cérébrales et les résultats démontrent surtout que l’expérience subjective de la douleur peut être ressentie sans stimulation douloureuse.

Les expériences hallucinatoires sont connues pour recruter des réseaux cérébraux similaires à une réelle stimulation (Weiss & Heckers, 1999 ; Kosslyn et al, 2000). Raij et colleagues (2004) ont postulé que la capacité à discriminer entre des percepts réels et imaginaires dépendait que l’activité dans des régions responsables du contrôle de la source (source monitoring). Ils ont scanné des sujets sous hypnose qui hallucinaient des douleurs et lorsqu’ils expérimentaient des douleurs délivrées grâce à un laser. Après le scan ils ont demandé aux sujets de scorer la réalité subjective de chaque douleur (sur une échelle allant de « imaginaire » à « douleur physique réelle »).

Les deux types de douleur activaient la matrice de la douleur. Mais ils ont aussi trouvé que l’activité du CCA médial corrélait avec le degré auquel la douleur était ressentie comme réelle, indiquant que cette région « représente » en quelque sorte ce qui est généré de façon interne ou externe.

Ces deux études ont utilisé la suggestion hypnotique pour produire des expériences de douleur en l’absence de stimulation. L’utilisation de l’hypnose comme outil nous permet de générer des sensations qui ne seraient pas possible d’étudier autrement, et qui apporte des informations importantes sur la nature et la structure de l’expérience douloureuse. Elles procurent un model intéressant de la douleur fonctionnelle et remette en question la façon d’aborder les symptômes médicaux non expliqués.

Évoquer des expériences MDMA sous hypnose

Hasting, A. (2006). An extended nondrug MDMA-like experience evoked through posthypnotic suggestion. Journal of Psychoactive Drugs, 38(3), 273-83.

 

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